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Nouvelle(s)_001.

Nouvelle(s)_001.

Introspection.

Il y aura un traître, il y a toujours un traître, Jésus sans Judas n'aurait été qu'un petit prophète oublié dans le désert de Judée, pas même une page dans le textes sacrés, il savait ce fait, que seule la trahison lui permettrait d'accéder à la renommée, voire à la divinité. Ainsi, parmi d'autres, Le Che eut son Judas, qui lui offrit le statut de légende des révolutions et des peuples, symbole des luttes armées contre les oppressions narquoises, il fallait mourir, jeune. Un Che vieux et gras, chauve et bedonnant, n'aurait jamais pu porter les espoirs des peuples acculés. Le Che eut donc son ami dévoué à sa cause martyre.

Il y aura donc un traître parmi nous, lequel et qui trahira-t-il? Et quand, où, comment? L'équation est loin d'être résolue, puisqu'incomplète, trop de données absentes, des blancs à combler, des manques, des trous, des variables, des constantes, des paramètres...

Nos seuls refuges, les forêts entortillées de ronces turquoises, les prairies friches épaisses, brouillards végétaux dans lesquels s'égarent les repères des citadins, incapables de lire la terre et les arbres. Nous irons mourir dans l'espace plantureux, loin des chambres stériles des hôpitaux, loin des crachoirs à viandes qui emplissent les cimetières, d'ailleurs nous ne voulons ni croix ni stèles, moins encore de messes, qu'elles soient de n'importe quelle croyance. Seuls les sifflements des insectes et des oiseaux et du vent accompagneront nos morts. La terre avale les hommes qu'elle a nourris, le béton n'alimente rien n'ingurgite rien, retient les poussières et les puanteurs, le béton monstre aplanisseur de monde équarisseur de monde ingénieur de monde calculateur de monde. Le monde plat tout lisse inodore uni. Sur lequel poussent des tiges d'acier aux fleurs stériles de verres, aux feuillages colorés piégeant les fourmis de l'immense colonie par leurs phéromones alléchantes, promesses de paradis, visions de bonheurs cachés, mensonges appétissants des toiles tarentulaires aux tréfonds des psychismes.

Le ciel crachait sa tisane amère, les airs conditionnés ramaient, grinçaient, chargés de moiteurs, Jim n'avait pas envie de sortir. Mille raisons se déployaient, vraies ou fausses, qu'il énumérait par poignées. Il gelait, la nuit arrivait, pas de lumière dans l'escalier - ce crétin de voisin du rez-de-chaussée au teint gris qui coupait le disjoncteur, Jim s'était juré de lui foutre son poing dans les dents le jour où il le gaulerait à faire mumuse avec le jus -, dehors dans la rue les maffias s'activaient, dehors tant d'embrouilles s'éveillaient, et puis il se sentait mal, trop de poudre jaune la veille, des éléphants corsetés lui cinglaient les côtes, ses nerfs étaient des câbles dont les oscillations taillaient le vif. Mais putain! son estomac gueulait et le frigo baillait méchamment creux. La faim arrive toujours quand le frigo est vide. Quel imbécile aux yeux rouge anis lui avait servi cette sentence salée? Donc pas moyen de faire autre que de quitter son fauteuil affaissé, d'enfiler un jean troué par-dessus son caleçon long. La température avait chuté bas, très, ces derniers jours, et Jim ne le supportait pas ce froid. Il n'aimait pas non plus les grosses chaleurs. Ni la pluie. Peut-être le printemps, si le soleil grimpait le zénith.

Le quartier où habitait Jim n'était pas le pire de la ville, de petites rues sombres encadrées de murs aveugles, d'anciennes fabriques artisanales avaient animé cette portion nord de la cité. Mais de ces ateliers familiaux il ne restait plus que les bâtiments transformés en appartements délabrés, les propriétaires des lieux n'étaient pas des types soucieux du confort des occupants. Pourvu que tombent les loyers, ils avaient badigeonné les vieilles cloisons pour leur donner l'aspect du neuf. Hélàs une couche de peinture, même de bonne qualité, ne pouvait rien contre les infiltrations, et les faux-plafonds bas n'avaient pas résisté longtemps aux pluies qui perçaient les toits noirs aux ardoises mitées.

Les gens étaient ouvriers qui vivaient ici les mieux lotis, plus souvent chômeurs, plus de la moitié des hommes traînaient dans le quartier ne touchaient que le revenu minimal, pas de quoi faire des folies, seules les petites combines permettaient d'améliorer le quotidien.

"Qu'est-ce-qu'on fait d'Éric?" questionna le cow-boy aux cheveux ras.

"Quinze aryens pour eux.", la réponse manquait d'à-propos.

"Y-a le bal quand?"

+++

Par terre, sur le carrelage gris sale, devant l'appareil photomaton, rideau vert pâle moche en lambeaux, vitrine fendues, il trouva l'enveloppe, blanche, scellée, maculée de traces de semelles, de doigts gras. Ses doigts tremblaient quand il déchirait le papier, il crevait de chaud, il sentait la sueur, aigre et forte, à l'écœurer de sa propre personne, le front glacé, il dut s'adosser contre un panneau, une vague de rage le démontait, profonde et sournoise elle secouait ses grands bras dans l'espace étroit de ses tripes. Dix mètres d'intestins pris d'une violente agitation. Des gosses couraient le bousculèrent, il tendit le bras pour saisir au hasard et porter un coup gonflé de toute sa colère. Un cri rauque, fort, le heurta, il sut aussitôt qu'il lui était adressé, ses yeux tremblèrent le long des larges allées. Deux képis croisèrent son regard, son bras glissa contre son flanc, mollement, le vinaigre de son corps déversa ses trombes sous ses sapes...

Il sortit du ventre surchauffé de la gare, pour fumer une cigarette, pour calmer la tempête qui dégueulait dans son antre, pour ouvrir l'enveloppe. Mais vas-y toi rouler une tige quand les phalanges jouent de la gratte, des feuilles s'envolèrent, voulant les rattraper il versa le paquet de tabac sur le trottoir, il pleuvait. Ce qu'il aurait fallu c'était un bon verre de remontant, mieux, un coin chaud pour se tasser, se recroqueviller tant que l'orage ronflait. Il était loin de chez lui, à pied, avec pour seul possible réconfort...

this shit hits hist isth his sit tis thi

La fatigue, la lassitude, j'étais envahi de ces sentiments, pourtant tant d'idées, tant de pensées, bousculaient le soir quand j'attendais le sommeil. Tant à dire, l'expression de mes ressentiments, cette société engluait l'homme "pour le mieux protéger", tout interdire. Le merveilleux disparait gobé par le monde procédurier, l'incommunication s'installe, à sens unique, seule parle l'autorité contrôlée, l'homme s'amenuise et se tait. À le droit d'applaudir.

Le journaliste tortille du cul pour caguer droit dans le trou: "nous allons parler du chiffre du jour, chiffre avec un s, car..."

Ne put-il simplement dire: "nous allons parler des chiffres du jour"?

 

De te fabula narratur.
Horace.

L'équation à résoudre est simple, simple la question, Einstein tirait la langue au temps qui passe, le temps plié, le temps plissé que jamais nous ne rembobinerons.. Et les espaces multiples que nous ne visiterions jamais, simple question de physique impossibilité..

 

Hein? vantard? Me maudissait-il pour m'insulter de la sorte? Qu'avait-il à me reprocher? J'avais fait tout comme il avait demandé, pourquoi s'entêtait-il à me démolir? Les hommes ont des humeurs parfois qu'il vaudrait mieux ignorer. Le clouais-je avec mes inventions verbales? Lui c'était le genre à cogiter rationnel mais à croire à dieu aussi, il mélangeait les genres quoi. Amalgame détonnant..

 

Le vent fier lavait le sol, et l’œil dans le ciel nous trempait d'une clarté blafarde. Les vieux soupiraient, assis sur les bancs repeints verts et blancs aux pieds de fonte grise, en pleins courants d’air, muets, immuables et presqu'immobiles dans leurs costumes grisés par l'usure. Une pie jacassa, cachée dans un arbre, son cri en suspension dans les branches. Les vieux regardaient au loin, de la vallée en contrebas, monter des fumées sales et puantes, avec des relents de navets fermentés et de choux pourris, des exhalaisons d'usines, aussi des pneus morts et des ordures qui certainement brûlaient, peut-être des bâtiments..

 

On parlait de saboter, tu parles! en temps de paix..

 

"Mais non!" qu'il regimbait le Sharky, "on est en pleine guerre! c'est économique, et c'est pire parce qu'elle ne porte pas son nom, elle ne se présente pas en plein soleil, c'est une guerre larvée, et mondiale.. du nord au sud, de l'est à l'ouest, les riches contre les pauvres, les pauvres contre les riches, l'occident contre l'orient, le bel occident contre l'hémisphère sud, les bons chrétiens contre les méchants muslims, et les cathos contre les protestants, les chiites contre les sunnites, les jaunes contre les rouges, les verts contre les bleus.. c'est une guerre sur plusieurs niveaux, doctrinaire, sociale, publicitaire, financière.. avec des armes non conventionnées.. la main-mise des grosses puissances blanches sur le monde entier, c'est à çà qu'on assiste, un immense, un gigantesque hold-up, une razzia, une mise à sac planétaire."

 

"Et nous! hein? là-dedans? hein? nous, là-dedans?"

"Nous! justement! on est peut-être, puisqu'on vit dans les pays occidentaux! agresseurs, on y vit, on y bosse, on y bouffe, on y baise.. Certains même qui sont employés des grosses firmes. Mais on ne supporte pas ce système, c'est pourquoi on doit réagir et agir.."

"C'est beau ce discours, mais on fait quoi hein?.. Si on y va pour tailler les champs de céréales siglées Génétiquement Modifiées on risque de finir en zonzon, si on démonte un MacRado c'est pareil.. alors?"

"Les moyens de.. d'être le grain de sable, un simple grain de sable qui gêne la bonne marche de la machine sont nombreux. Y'a pas à s'inquiéter pour çà, y'a toujours quelque chose à faire."

"Bin.. donne-moi des exemples, parce que moi je vois pas trop quoi ni comment."

"Simple! Faut dégommer tout ce qui contribue à faire tourner la machine."

"Quoi!? Les usines? C'est çà? T'es ouf? T'es sûr que ça va?"

"Oui, les usines, par exemple.. mais ce n'est pas tout, même les actes les plus minimes sont bons à prendre, tu vois on peut démonter toutes les caméras de surveillance de la voie publique, les panneaux d'affichage pourquoi pas, aussi les antennes-relais de la téléphonie, et celles des télévisions, couper les fils et les câbles des communications, tu vois, tout faire pour gripper cette putain de mécanisme.."

"Et les grandes surfaces?"

"Quelles grandes surfaces? Les stades? Les parcs automobiles? Les centres commerciaux?"

"Toutes, et les gares, les aéroports, les ports, tout ce qui rassemble du monde, tout ce qui est l'aiguillage du système..."

"Mais saboter c'est pas seulement tout faire exploser, pas qu'avec du plastic qu'on peut agir."

"Vas-y, dis-voir.."

 

SABOTAGE!

Entre autres, album de Black Sabbath! Rock n' Roll noir des enfers, guitares saturées, basses et lourdes batteries, orgasmes primaires éructations adolescentes...

Sabotage? Action de détruire ou de détériorer du matériel ou du travail en cours. Quand? En temps de guerre, généralement. Encore faut-il définir ce temps de guerre. Et choisir son camp. Est-ce que le fauchage de champs de plantes OGM est considéré comme sabotage? Et le démontage des MacRados? Et bien sûr le saboteur sera désigné comme terroriste par son ennemi, comme résistant par ses partisans.

Mais si des sabotages existent actuellement (les démontages et les fauchages sus-cités), serait-ce que nous sommes en guerre? Mais quelle guerre? Où sont les armées? Qui sont les soldats? Quels sont les enjeux?

Une seule réponse, dixit Sharky, le Sharky affamé et famélique, aux yeux grévés de fatigue et de mal bouffer: c'est une guerre économique. Et comme dit le poème:

[...]

guerre économique

c''est bien plus pratique

et c'est bien plus malin

pour s'en laver les mains

guère plus pathétique

que la guerre atomique

c'est la guerre des nerfs

c'est la der des ders

c'est la dernière guerre

c'est l'ère nucléaire

sale air de la peur

ça pue la sueur

salaire pollueur

pullulent les tueurs

Mais! Tout ça me lasse

tout ça me glace!

mais tout ça menace

de virer vinasse

c'est le sang qui tache.

[...]

 

Les objectifs visés par les coquins de faucheurs des plants transgéniques et par les déboulonneurs de restaurants à merdes à service rapide n'étaient nullement les mêmes que ceux des résistants français lors de la seconde guerre mondiale ou des ouvriers en 1900; pendant l'occupation allemande les saboteurs œuvraient pour libérer si possible un pays occupé, ou tout du moins gêner les troupes ennemies dans leurs manœuvres, et aider les forces alliées, et à la commissure des XIXème et XXème siècles les luttes ouvrières cherchaient à s'extirper de la mouise et mordaient à la gorge les patrons.. Mais.. en regardant bien, les sociétés atteintes par les saboteurs actuels sont américaines (Monsanto et MacRado), capitalistes, et comme telles cherchent l'expansion ad libitum, nos chers saboteurs agissent-ils en prévision d'une quelconque invasion invisible - puisque plus subtile que des chars d'assauts? Eh, l'ennemi n'est pas toujours là où on le croit..

D'autres saboteurs existent - existaient/existeront -, les plastiqueurs bretons ou basques, ouzbèques ou toltèques, azerbaïdjanois ou bouhdurcis, ..., avec d'autres buts..

Et puis il y a ceux qu'on peut nommer, sans péjoratives prérogatives, les saboteurs à la petite semaine, dont l'esprit est de faire coincer/couiner/gripper un peu cette (sale - mais cela est subjectif) machine dans laquelle nous vivons essayons de vivre)... Les hacktivistes qui défacent certains sites web, les casseurs de pubs, les creveurs de pneus, les...

Les armes du sabotage..

Dix sous suffisent..

..Ohé saboteur..

Attention à ton fardeau

Dynamite..

 

les cibles potentielles de saboteurs entrés en guerre ouverte contre le système.. émetteurs de radios, de télévisions, antennes relais des téléphones...

+++

- Ffuih, donc tu m'demandes de t'préparer - tu veux - un dossier sur tout çà..

- Oui et alors? t'es doué en littérature, non?

Alors? alors.. c'est qu'à l'école, peut-être, j'excellais dans les sujets libres, tandis que les sujets imposés.. ça me laissait, et me laisse encore, froid, pantois souvent, l'esprit égaré, les pensées vagues, sortes de terres abandonnées, envahies par des végétations denses et coriaces. Et là c'est pareil. Comme un sujet imposé. Et pour lequel je n'ai aucun goût.

- Merde, fais pas tes manières. Je te demande que quelques feuilles sur l'entreprise IBMW qui ronge le système social, et comment se débarasser de ce fléau.. fouts-toi bien dans la ciboule que la vie c'est pas que du gâteau. Qui faut en chier des fois.

- Je sais! Je peux te faire un papier sur le rôle néfaste des médias et de la pub, ou sur la psychologie puérile des consommateurs, ou sur les guerres larvées de par le monde, sur plein de choses. Mais le sabotage et IBMW! Et d'un: je n'y connais rien; et de deux: je ne suis pas sûr que ce type d'action soit bien..

- Mais! T'as pas à décider! Si c'est bien ou si c'est mal. C'est comme la guerre, c'est jamais un bien ou.. Même si c'est un mal la guerre, parfois c'est un bien. Le sabotage c'est pareil, c'est une arme, et comme toutes les armes cela dépend de son usage..

- Mouais.. (moue et grimace dubitative, moi le pauv' journaleux, col blanc et coudes élimés, journaleux: pas même, juste un gribouilleur de crus et faits divers, un voyeur des travers et torsions d'un système en déliquescence... Et que je rapporte pour me donner bonne conscience - le pire: je ne crois pas à la rédemption, pas de paradis, donc mes bonnes actions...).

Bon, un flingue qui bute un gosse c'est dégueulasse, mais ce même flingue qui élimine un dictateur, un tortionnaire, hein?

+++

Nous ne sommes plus dans une société des hommes mais des marchandises, de la consommation. L'homme devient "une marchandise, pas comme les autres" (discours du Chandelier-Président Sicolas N'Arko devant le parterre (dirais-je endormi?) d'une l'Assemblée Supra-Nationale), pas comme les autres mais marchandise tout de même. Est-ce que le refus de consommer est suffisant? Ou il faut agir, mais comment?

- Il faut paralyser le système, zac! net, d'un coup de surin!

- Et c'est quoi le point névralgique?

- L'alimentation électrique..

- Ou les médias, la télévision, les journaux télévisés, la diffusion de grande-masse-merdiatique du vingt heures!

- Comment tu veux t'y prendre? C'est impossible avec une main d'hommes, il faudrait organiser des réseaux, et le temps nous pousse.

- Ouais?

- Le consortium IBMW et N'Arko ont passé des accords pour résorber le mouvement, la médecine douce ne ferait pas effet, les bleus vont encadrer l'usine, armés et ils auront le droit de tirer dans le tas.

- Mais les types n'ont même pas d'armes! je veux dire les syndicats et les manifestants, ça va être un carnage!

- La bancocratie policière va mater..

- Ça me rappelle les versaillais.

- Quoi, les versaillais? Qui? la révolution???

- Non, la Commune. Ces fumiers de lapins n'hésiteront pas. Ça va être chaud, c'est pourquoi il faut réagir et bloquer la situation.

- Réagir, réagir, t'en a de bonnes toi, réfléchir déjà c'est dur, alors se bouger..

 

Le Brinnko entra en bombe, sans avoir frappé, les pieds en avant et la bave aux lèvres, les comploteurs sursautèrent, le Shark avait blanchi sur pied, la SamLo se tint le cœur, moi, moi j'étais liquéfié par cette interruption inopinée et surprise. On l'insulta tout de go ce grand sac, pas idée de nous causer des frayeurs pareilles, l'était fébrile le zigue Brinnko, surexcité, tremblant bafouillant suant. Sûr, quelque chose se passait, mais l'abruti bégayait. Il fallut quelques minutes et quatre grands verres de gnôle - de la vraie, des prunes distillées dans la grange de l'ancêtre au Sharky, pas de celle frelatée qu'on trouvait en magasin, coupée à je ne sais quel chlorhydrique dosage - pour calmer l'abalourdi et ses sueurs galopantes.

Ses paroles étant achromatiques et bien qu'il eut réussi à calmer ses mains il ne jactait pas plus clair. Mais un nom revenait dans son discours logorrhique, SamLo tiqua, tout ce qui pour nous restait chinois abstrus ou hébreu acéphalopode pour elle semblait limpide et compréhensible. C'est qu'elle avait fait des études, des longues, la SamyLo, poussée par ses dabes sans cesse, mais tout ce fatras de diplômes et de mentions qu'elle se colletait et collectionnait n'avait jamais permis qu'elle trouve un taf en corélation. L'ennui et la déception l'avaient amenée ici. Retrouver ses vieux potes.

Rien à foutre du boulot, de l'argent, de la morale, d'avoir un mari et des gosses, juste vivre qu'elle voulait. Et pas se gonfler le mou avec des trucs inutiles, qu'on la laisse tranquille peinard avec ses livres qu'elle demandait, qu'elle puisse lire et étudier, désosser la littérature et se muscler les neurones. Pas plus. Pourquoi c'était pas possible hein? Puisque parait-il avec N'Arko Tout Était Possible..

Nan! t'as mal compris le slogan, en fait c'est: Tout devis impôt cible.. Toute Vie Impossible.. mais surtout pas: Tout Devient Possible!

+++

Une choucroute estampillée qu'elle avait achetée la Sardine, - la Sardine c'est la femme au Brinnk - qu'on l'a jetée (la choucroute hein? pas la Sardine, que je me fasse comprendre bien), qu'elle daubait à plein à peine l'emballage de plistac ouvert, belle pourtant, dorée, c'est vrai qu'elle l'avait l'air appétissant, avec ses grosses patates grosses comme des œufs de canes et des saucisses roses lisses et son chou jaune paille blanc bien frisé et tout et tout et tout, frisé qu'on dirait de la... Mais pourrie du dedans.. nauséabonde abondance...

Quel dommage! quelle merde! tout de même qu'ils peuvent bien nous refiler pour grailler... Et n'y avait pas que la choucroute qu'était infecte, dégueulasses aussi: les boîtes de raviolis, et les légumes en conserves, et la viande recolorée, reconstituée, et le poisson amoniaqué, et j'en passe, des tonnes de gerbance en boïtes, que des gens en avaient chopé des crampes d'estomac et des renvois de vomis coriaces.. On se demande vraiment ce qu'ils y foutent les industrieux dans la boustifaille, à croire qu'ils cherchent à nous empoisonner.

Tu vois, eux, les gros cartels, n'en ont cure de nous, leur seul but demeure de s'entrer le max d'oseille, cette oseille qu'ils nous tirent sans pitié, comme des larmes de douleur qu'ils nous arracheraient, j'exagère si peu, à peine.. pour les combattre c'est là qu'il faut frapper, au porte-monnaie, leur raison d'être, leur point vital, c'est pour eux comme un organe à plusieurs fonctions - cœur, poumon et cerveau tout à la fois - l'argent!

+++

Une frénésie.. Écraser des insectes, dont ils ignoraient tout, jusqu'au nom, juste pour passer le temps, aucun plaisir car ils n'en tiraient pas d'amusement, c'était juste un ennui profond qu'ils s'efforçaient de combattre. Ils auraient pu, s'ils savaient, s'inventer des jeux d'esprits, puisqu'ils n'avaient rien sous la main, rien que ces maudites bêtes minuscules volantes ou rampantes, grouillantes, qu'ils haïssaient.

 

Suis-je sûr qu'ils les haïssaient? Peut-être Bymm, ayant eu l'idée - ".. les aplatir comme des cloportes!", n'avait-il pas lancé de sa voix rauque en pleine mue adolescente retardataire (était-ce un défaut génétique dû aux pesticides ou aux plants transgéniques? Les toubibs n'avaient pu (voulu?) trancher -, ne les aimait guère, mais les autres n'éprouvaient-ils pas que de l'indifférence à l'égard des myriapodes, des mouches - qu'elles soient mouches domestiques, mouches du chou ou mouches dorées, les fameuses grosses bleues, voire mouches à damiers, et les pollénies -, des diables cherche-midi rouges pointés de noir courant aux pieds des arbres, des eurydèmes qu'ils croyaient être des punaises.. Je rigolais en douce, ils voyaient les cloportes comme des insectes.. Comment réagiraient-ils en apprenant que c'étaient des crustacés qu'ils négociaient là de leurs doigts lourds et brutes de bambins mal dégrossis, oui, des cousins des crevettes et des scorpions - leurs yeux luisaient rien qu'à entendre ce mot -, des parents éloignés des crabes et des scolopendres..

Avaient-ils seulement conscience de leur condition? Ils atteignaient l'âge de la majorité légale et ne savaient qu'à peine lire, tout juste écrire leur nom, et pour compter.. fallait pas compter sur eux.. Quand ils parlaient ce n'étaient qu'onomatopées, insultes sans conséquences et phrases désarticulées de la syntaxe. Des clients idéaux pour un embrigadement, ils n'avaient jamais développé de sens critique et gobaient tout ce qui leur passait sous le bec, ignares du bien et du mal, tout leur était bon à prendre s'ils y trouvaient un quelconque intérêt ou une satisfaction personnelle..

C'était donc leur égoïsme qu'il me fallait atteindre. Et leurs frustrations constantes.

+++

SamLo avait roulé jusqu'à ce terrain vague noyé de brumes blanchies par un soleil invisible, on avait baissé les vitres pour fumer notre clope dans l'air froid, tout autour de nous, comme le décor d'un dernier combat, un chaos de tertres, de monticules, des terres de diverses couleurs et textures mouchetées de touffes rabougries de plantains fleuris et de pissenlits clos, des amas cahotiques de roches, de pierres jaunes ou beiges, de sables rouges et gris, de briques et de tuiles brisées, d'agglos décomposés, de poutres de bois rongées aux mites, de barres torses de métal rouillées, de gravats de crépis, de cailloux, de graviers, parsemés de ronces et d' herbes sèches déjà que grignotaient des biques rendues sauvages et des ânes laineux bistres.

Je rêvais à vide en regardant ce théatre d'apocalypse miniature..

SamLo ne disait rien, elle avait le regard morve et les lèvres mauvaises presque bleues, elle soufflait la fumée de sa chamelle par les naseaux bruyants, la colère l'avait envahie et ne le lâcherait que d'avoir réglé cette affaire.

 

La minuterie sur six-cent-soixante-six secondes, le nombre de la bête dans la bible, Sharky qu'avait eu envie, parce qu'on était le six juin deux-mille-six, et que le train de marchandises passerait vers les six heures cinq du mat'... Fallait que la bombe pête avant que la machine passe, ou pendant, que ce convoi fourré à la gueule de produits pourris plonge au talus et que sa cargaison indigeste disparaisse dans les flammes. Purification, même racine que pyro, le feu c'est la pureté. J'y avais jamais cru à ces discours de pureté de quoi que ce soit. L'univers n'est qu'un chaos, un mélange diffus de particules mélangées, rien de pur dedans; la pureté, encore une abstraction humaine combinée par des curetons roublards qui s'emmerdaient dans leurs cellules.

Le Shark il escobarde, il lantiponne, quand je dégoise sur ses foutues bondieuseries bidonnantes, sûr qu'il a des restes de cathé pré-pubère collés au plafond qui lui gâtent la vie. Quoi de pire que de se sentir, toujours, en permanence, nuit et jour et nuit - surtout la nuit! -, surveillé, croire qu'un œil omniscient guette tes actes peut te fiche un sacré bourdon. En train de se débarasser petit à petit de ce problème il virait juste de bord hélàs, s'étant découvert un goût mûr pour les archanges noirs. Et quelle bourde de lui avoir dit un jour la signification éthymologique de Lucifer, Lux Cypher, la lumière cachée.

Maintenant cette lumière l'aveuglait, et il fonçait droit devant tête basse.

On avait envoyé les gamins foutre la zone dans le centre-ville, du tout cuit pour les convaincre, comme je pensais ils avaient avalé l'hameçon avec le ver, il avait suffi de les remonter un peu pour qu'ils démarrent. Des mômes en manque de tout, de confiance, d'affection, d'attention, un seul geste envers eux les mettait dans la poche, ils serviraient de distractions aux bleus, ils serviraient de détonateur à l'émeute prévue quand les réfugiés et les affamés et les assistés apprendraient que le train de boustifaille s'était envapé.. hop! comme un ballot de paille bien jaunie! pas de fumée sans feu..

 

Et qu'la boustifaille pourrisse dans les charasses,

Les bouteillons

Et qu'on s'en tasse, nourrisses!

Dans les carrioles des goupillons

Et des caisses de chasse-clous, de chasse-pots,

De chasse-goupilles, de cache-sexes anémiques

Qui choquent les oreilles chastes

Et chatouillent nos envies..

Nouvelle(s)_001.